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Mes chers amis, je vous conjure de n’être pas trop inquiets pour moi si les troupes russes viennent à passer la frontière prussienne, c’est-à-dire si la guerre éclate sur les territoires qui nous séparent[1]. J’espère toujours pouvoir vous donner de mes nouvelles par une autre voie ; et lorsqu’il n’y aura plus de communications possibles, je me rapprocherai, soyez-en certains. D’ailleurs rien de positif n’annonce encore que cette guerre doive éclater. Courage donc et résignation ! — A vous tous de cœur et toujours !

H. R.


MADEMOISELLE RENAN
chez M. le comte André Zamoyski, Nouveau-Monde, Varsovie, Pologne.


Paris, 16 juillet 1848.

Que je te remercie, excellente amie, d’avoir immédiatement songé à m’écrire ! Jamais je n’avais eu un plus grand besoin d’entendre ta voix consolatrice que dans ces déplorables et cruelles circonstances. Il est des moments où la sensibilité est un grand supplice, et où les âmes égoïstes, qui rient de tout pourvu qu’elles ne soient point atteintes, sont singulièrement privilégiées. Au

  1. La situation était tendue entre les deux États, du fait des bonnes relations entre les libéraux allemands et prussiens, et les nationalistes polonais.