Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions de Paris seront des plus démocratiques : l’aristocratie et le clergé ont pris une immense influence sur celles des provinces : tu ne saurais croire à quel point le second de ces corps est redevenu puissant. Il est indubitable qu’un grand nombre d’évêques et de prêtres siégeront à l’assemblée. Il n’est aussi que trop vraisemblable que cette assemblée ne sera pas du goût des clubs de Paris, et qu’elle sera traitée comme le furent nos premières assemblées délibérantes par la commune. Qu’en résultera-t-il ? Une pétition se couvre de signatures dans l’Ouest, à l’effet d’obtenir que l’assemblée ne siège pas à Paris, et qu’elle soit protégée par des délégués de toutes les gardes nationales du pays. C’est une bien malheureuse idée : mais il est sûr qu’il y a là un danger réel et une difficulté presque insoluble. L’enthousiasme du peuple de Paris est impossible à décrire. C’est un délire, auquel rien ne résisterait.

Ces circonstances sont bien mauvaises pour nous tous, chère amie. Je suis aussi fort inquiet des affaires de notre frère. Ses lettres sont sur ce point très laconiques : il me dit seulement qu’il n’a ressenti aucun contre-coup des sinistres commerciaux qui ont affligé le pays, mais que toute affaire est impossible. Ce que me dit maman est moins rassurant, et sans qu’il ait fait de pertes directes, la position de notre frère serait fort difficile, les capitalistes retirant leurs fonds, et les débiteurs ne pouvant payer. J’espère toute-