Page:Renan - Nouvelles lettres intimes 1846-1850, Calmann Levy, 1923.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce que je te disais il y a deux jours. S’il s’agissait en ce moment de guerres qui se déclarent régulièrement, à la bonne heure ; on pourrait prévoir huit jours d’avance le moment extrême. Mais le moyen d’échapper à une éruption volcanique, est-ce de l’attendre ? Les nouvelles de Vienne et de Berlin, que tu as sues avant nous, me causent les plus vives inquiétudes, et me font craindre qu’il ne soit déjà bien tard. J’espère quelquefois que cette lettre ne te trouvera plus à Varsovie. Mon excellente amie, il ne s’agit ici, tu le comprends, que de la prudence la plus vulgaire. Les motifs que je pourrais t’exposer sont si faciles à deviner, tu dois les comprendre si bien, que je m’abstiens de te les développer. Aussi bien les détails où ils me forceraient d’entrer, pourraient compromettre le sort de cette lettre. J’attends impatiemment la lettre où tu m’annonceras ton retour, et tes dispositions à cet égard. Plus que jamais, il me parait indispensable que tu ne sois pas seule.

Comme toi, je pense, chère amie, que notre patrie devra traverser une époque de bouleversement avant d’arriver à une forme stable. Toutefois l’accélération du mouvement de l’humanité et l’admirable logique du peuple français me font espérer que nous verrons la société nouvelle, qui, je n’en doute pas, sera plus avancée que celle qui s’est écroulée. Mais pour arriver là, il faudra traverser des jours bien durs. La scission est déjà parfaitement caractérisée, et