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fortement sur le sol. — Il faut à ce propos, chère amie, que je te raconte la manière tout à fait distinguée dont j’ai fait la connaissance d’une de nos sommités philosophiques, M. Garnier, professeur de philosophie à la Sorbonne. Je me permis une fois de lui envoyer quelques observations sur un point important qu’il avait touché dans l’une de ses leçons. A la séance suivante, il eut la bonté de lire ma lettre et de la commenter de la manière la plus obligeante pour l’autour inconnu. Quelques jours après, je reçus de lui une lettre où, en me remerciant de mes premières observations, il me priait de continuer à lui en adresser, afin de relever par ces débats l’intérêt de ses sévères leçons ; il m’invitait en même temps à aller le voir, afin de faire plus ample connaissance avec moi. J’ai dû accéder aux deux invitations, et quelques jours après, je lui ai envoyé une seconde lettre philosophique sur une autre question fort importante, qui prêtait à de graves difficultés. La discussion de celle-ci a occupé deux séances, et ce n’est pas sans le plus vif intérêt que, perdu dans la foule de son nombreux auditoire, inconnu à tous et au professeur lui-même, j’observais les différents mouvements que faisait naître la lecture des divers passages de ma lettre. J’étais tout fier, moi si petit et si chétif, de m’entendre citer du haut d’une telle chaire, et d’occuper l’attention d’un si grave auditoire. — Quelques jours après, je lui ai rendu la visite, à laquelle il avait bien voulu m’inviter,