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et les recherches que je fais dans les bibliothèques me laissent dans la semaine bien peu de moments disponibles. Je ressentais pourtant le besoin de m’entretenir longuement et d’une manière suivie avec toi des mesures que tu me proposes relativement à la position difficile où je me trouve.

Les offres que tu me faisais dans ta lettre, chêre amie, m’ont profondément touché, et m’ont fait mieux comprendre que jamais combien j’avais été privilégié dans mon malheur même, en trouvant à mon entrée dans la vie un appui comme le tien. Toi seule, excellente sœur, ne te fatigues jamais de sacrifices  ; mais c’est une raison de plus qui doit m’imposer la plus grande délicatesse quand il s’agit de les accepter. Eh bien ! chère amie, après avoir mûrement réfléchi aux considérations que tu me présentes, je suis loin de les croire suffisantes pour déterminer un changement de position, qui amènerait une si forte augmentation dans notre budget. Sans doute, il y a dans ma position actuelle des inconvénients réels, et non seulement des désagréments, car pour ceux-ci, je me ferais conscience d’en tenir compte. Le plus grave est sans doute celui qui rend difficiles et souvent très embarrassantes mes relations extérieures. Mais bien qu’il devienne tous les jours plus sensible, comme il est au fond le seul qui mérite une considération sérieuse, je ne pense pas qu’il doive l’emporter sur les graves raisons qui me détournent d’un changement. Mes occupations dans la maison sont si peu multipliées et