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intéressé, bassement populaire, presque grotesque, une religion de vœux, de pèlerinages, de guérisons miraculeuses. Mais que fut-elle à l’origine ? Je comprends très-bien le principe de la religion aryenne, religion toute de poésie, naturalisme profond, touchant, plein d’une haute moralité ; je crois bien comprendre le principe de la religion des Sémites nomades, telle que le livre de Job nous la présente, telle que le musulman de race arabe la pratique encore de nos jours ; je comprends même jusqu’à un certain point ces cultes bizarres de Babylone et de la Syrie, cultes non sémitiques, encore moins aryens, répondant à des sensations d’un ordre à part : l’idée première de la religion égyptienne m’échappe. Peut-être ici encore l’analogie avec la Chine se retrouverait-elle. Une hypothèse qui satisferait, après tout, à la plupart des données qu’on a pu réunir sur le culte primitif de l’Égypte serait d’y voir une sorte de religion naturelle, s’exprimant en symboles, qui très-vite auraient été pris pour des réalités. Cette marche, je le sais, ne s’aperçoit pas chez les peuples sémitiques, lesquels ont toujours eu en horreur les symboles sculptés. Chez les Aryens, ce n’est nullement le déisme qu’il faut placer à l’origine ; mais l’esprit humain a des variétés infinies : il n’y a pas deux points de l’espace et de la durée où il ait agi de la même manière. La Chine a bien débuté par où les autres peuples finissent, par des aphorismes de moralistes et une pleine indifférence pour toute croyance surnaturelle. Il ne faut jamais dire a priori qu’une combinaison est impossible en histoire. C’est vraiment dans le sein de l’humanité que tous les possibles ont existé ou existeront. Les races plates, comme l’Égypte, la Chine, bien que très-inférieures