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sur les origines des peuples, trouva sa place en ces supputations imaginaires. À partir de Ménès, au contraire, on est en pleine histoire : plus de surnaturel, plus d’impossibilités. Il n’est nullement invraisemblable, du reste, que quelque monument contemporain de ces âges reculés vienne un jour trancher les doutes, en nous offrant les noms des rois de la première dynastie comme ceux de souverains existants et doués de la plus incontestable réalité.

L’identité étonnante de la religion, de l’écriture, de l’esprit national, des mœurs, pendant l’énorme durée que nous prêtons à l’empire égyptien, n’est pas davantage une objection. Cette identité n’est, sur bien des points, qu’apparente. Sur d’autres, elle tient à ce que l’Égypte se copia indéfiniment elle-même. Il n’est pas plus singulier de voir les temples ptolémaïques ou romains d’Edfou, d’Esneh, d’Ombos, de Denderah, de Philæ, rappeler les formes architectoniques des temples de Thèbes, qu’il ne l’est de voir telle église bâtie de nos jours. Saint-Vincent-de-Paul par exemple, ressembler aux basiliques constantiniennes. Les sculptures de Denderah rappellent beaucoup celles d’Abydos ; or il est indubitable qu’il y a quinze cents ans de distance de l’un de ces deux temples à l’autre. Pourquoi de Séthi Ier aux premières dynasties le même esprit de conservation n’aurait-il pas produit le même résultat d’apparente similitude. Les formes extérieures du catholicisme oriental ont peu varié depuis seize cents ans. La royauté française a eu pendant mille ans des usages, des traditions identiques ? La ressemblance qu’il y a entre les hiéroglyphes de l’ancien empire et ceux des époques modernes est, au premier coup d’œil, très-surprenante. Elle s’explique cependant. Une écriture