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518 MÉLANGES D’HISTOIRE.

endroits d’exécution, ce sont les conservatoires et les salles de concert ; les courses ne se peuvent commodément exécuter sans hippodrome. Le lieu où se donne l’enseignement supérieur, c’est l’Université. Dans le sein de l’Université, la liberté doit être entière ; toutes les opinions doivent se produire ; aucune ne doit être privilégiée. Mais prétendre donner les exercices universitaires en dehors des universités, c’est comme de prétendre donner de brillantes courses en dehors de Longchamps et de Chantilly, ou renouveler l’art dramatique avec de petits théâtres de société.

L’Université est la lice, le grand champ clos de l’esprit humain. L’État doit être propriétaire de cette lice, en régler la police extérieure, en faire les frais généraux ; puis, quand le champ de bataille est préparé et que la loyauté du combat est bien assurée, il l’ouvre à l’éternelle dispute, sans lui-même y prendre part. Voilà la féconde conception qui, confusément éclose vers la fin du XIIe siècle sur la montagne Sainte-Geneviève, a produit l’Université de Paris et, ad instar studii Parisiensis, toutes les universités du monde. L’Allemagne, surtout dans les temps modernes, en a tiré les plus précieux fruits.

Mais, me direz-vous, les temps sont changés. L’Université de France, créée par Napoléon Ier, n’a rien de commun avec les universités d’autrefois ; l’administration centralisée de l’instruction publique a produit un complet abaissement des études en province, et la liberté elle-même s’est aussi mal trouvée que possible d’un tel régime. En pratique, pour donner satisfaction aux justes réclamations de la liberté et pour relever les études, que feriez-vous en dehors de ce que l’on a fait ?