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DISCOURS À L’INSTITUT.

rage de nos libérateurs n’avait pas déjoué les plans des misérables qui ont tout mis en œuvre pour anéantir avec Paris les monuments de notre histoire et les trésors d’art et de science qui appartiennent moins encore à Paris qu’à la France et à l’humanité tout entière. Le cours de vos travaux n’aura donc pas été interrompu ; mais aujourd’hui que la lutte n’est pas encore terminée, que les ruines de tant d’édifices fument autour de nous et que nous avons à pleurer la mort de tant de victimes, vous jugerez sans doute à propos de nous associer au deuil public en levant la séance et en vous ajournant à la semaine prochaine. »


Ce courage, cette fermeté au milieu de la tempête, vous les puisez, messieurs, dans la haute philosophie qu’inspirent vos études, et dont le résumé pratique est de faire à chaque jour, à chaque instant, son devoir. Vos recherches ne sont pas pour vous le jouet frivole des heures de loisir, le luxe des années prospères. Vous y attachez un sens élevé, je dirai presque religieux. Vos patientes analyses, vos scrupuleuses enquêtes, vos précautions minutieuses contre l’erreur, procèdent de la conviction que la connaissance aussi exacte que possible de la vérité sur le passé de l’humanité est un intérêt de premier ordre, et qu’aucun des labeurs qu’on s’impose pour atteindre ce but n’est perdu. L’histoire est le fruit de l’étude immédiate des monuments ; or les monuments ne sont pas abordables sans les recherches du philologue ou de l’archéologue. Chaque face du passé suffit à elle seule pour remplir une studieuse existence. Une langue ancienne et souvent à peine connue, une paléographie spéciale, une chronologie péniblement dressée, voilà plus qu’il n’en faut pour absorber les efforts de l’investigateur le plus zélé, si de laborieux artisans n’ont préa-