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500 MÉLANGES D’HISTOIRE.

pour le professeur l’obligation de se livrer au moins une fois à l’examen approfondi d’une question importante. L’approbation de M. Le Clerc, la recommandation dont il accompagnait son rapport au ministre fut la porte de toute vie consacrée à l’enseignement élevé. M. Cousin, à qui M. Le Clerc laissait en général la direction des thèses philosophiques, établit la même règle pour les études qui relevaient de lui. Ainsi se forma cette remarquable collection de monographies, qui ont renouvelé chez nous l’histoire littéraire et philosophique. Tout y figure, l’antiquité dans ce qu’elle a de moins connu, le moyen âge, vers lequel le savant doyen se plaisait particulièrement à conduire les jeunes travailleurs, l’Orient même dans une certaine mesure, les littératures modernes enfin pour leurs questions les plus délicates. La part de M. Le Clerc en ces travaux était grande : il indiquait le sujet, fournissait les renseignements sur les sources, revoyait et corrigeait les essais des candidats. Le jour de la soutenance était une vraie fête de l’esprit. Dans une chétive salle d’entre-sol, que la fidélité de M. Le Clerc aux anciens usages ne permit jamais de changer, se groupait autour d’une table toute la noble Sorbonne d’alors, MM. Cousin, Villemain, Fauriel, Saint-Marc Girardin, Guigniaut, Patin, Damiron, Ozanam, Egger. La belle et souriante figure de M. Le Clerc, animée par la discussion, semblait au milieu de ce cercle illustre une apparition des temps anciens. Sa parole, tour à tour grave et enjouée, intervenait à chaque instant dans la dispute pour la soutenir, la diriger, quelquefois la passionner. Sa verve intarissable, son érudition étincelante, faisaient la suite, et, si j’ose le dire, la trame de