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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 497

rature. Ce sont là des omissions d’importance secondaire. Les parties positives de la thèse de M. Victor Le Clerc sont toutes vraies. Avant de posséder des littératures nationales, l’Europe latine eut une littérature commune, un art commun que tous adoptèrent : cette littérature, cet art, où l’initiative germanique avait une très-grande part, naquirent sur le sol français ; cela est hors de doute, et c’est là ce qui permet de dire qu’avant la renaissance italienne du XVe et du XVIe siècle, il y eut au XIIe siècle une vraie renaissance française, éminemment créatrice, originale, dont le règne de Philippe-Auguste peut être considéré comme le point culminant, et par laquelle nous avons été les maîtres de l’Italie. Hélas ! bientôt les choses devaient changer de face. Avec la chanson de Roland et Guillaume d’Orange, nous étions à deux pas de la grande épopée ; avec des poèmes tels que Huon de Bordeaux et Baudoin de Sebourg, nous touchions à l’Arioste ; il ne fallait pour arriver au but qu’un peu de travail, quelques exigences délicates de la part du public, du sérieux de la part des trouvères. Nous manquâmes le but après l’avoir presque atteint ; l’histoire de notre première littérature fut l’histoire d’un triste avortement. Voilà ce que produisirent l’inquisition, la routine, une dynastie médiocrement douée, l’esprit borné d’une noblesse sans distinction ni goût du beau, de funestes guerres mettant en question l’existence même de la nation.

Tel est l’ensemble de ce que M. Victor Le Clerc fit pour l’histoire littéraire, et encore nous omettons d’importants labeurs, ses notices sur Daunou, sur Fauriel, et les soins qu’entraînaient ses devoirs d’« éditeur », la distribution32