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même ; la rivalité des dominicains (les jésuites d’alors) et des franciscains (représentant la partie indisciplinée de l’Église) ouvre un sanglant martyrologe, où l’on voit un ordre religieux en poursuivre un autre avec autant de férocité que s’il s’agissait d’infidèles ; au milieu de tout cela, cette papauté d’Avignon, mélange bizarre de bien et de mal, — Bertrand de Got, biffant sur les registres du Vatican les actes de Boniface VIII, et fort embarrassé quand le roi Philippe le Bel demande les os de ce pape pour les brûler comme ceux d’un hérétique, — l’Italie réclamant à grands cris la papauté, qui allait se détacher d’elle, et qu’elle regagne pour son malheur. La clef de l’histoire de la papauté est en ce siècle décisif. La lutte des clémentins et des urbanistes est la page d’histoire ; la plus importante à étudier pour quiconque veut concevoir l’histoire de l’Église latine sur un plan philosophique.

Le gouvernement civil, à l’ombre de cette grande et glorieuse royauté française que nulle autre n’a égalée, fait d’immenses progrès. Philippe de Valois, après Philippe le Bel, traite le pape d’hérétique et menace de le faire « ardre ». Au pouvoir ecclésiastique le roi de France oppose un droit égal, venant aussi de Dieu ; aux conciles, il oppose les états généraux ; aux officialités et à l’inquisition, la justice séculière ; aux écoles épiscopales et monastiques, les universités et leurs collèges ; aux bibliothèques latines des chapitres et des abbayes, des collections profanes rendues quelquefois publiques, et où les livres en langue vulgaire sont nombreux. En tête de ce grand mouvement brille le nom de Philippe le Bel, qu’à l’étranger on appela Filippo il Grande. M. Le Clerc fit, à beaucoup d’égards, l'apologie du souverain qui, par un