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482 MÉLANGES DHISTOIRE.

Bois, le conseiller intime et le publiciste de Philippe le Bel. Son principe était que « de bonnes lois valent mieux que de bons gouvernants ». L’idée qui manque le plus au moyen âge avant Philippe le Bel, l’idée de « la chose publique » ou de l’État, Siger la développa avec une netteté qui surprend.

Cette pénible naissance de la société laïque, cette lente émancipation du mondain, longtemps étouffé sous le poids d’un culte impérieux, M. Le Clerc aimait à l’étudier dans les faits les plus divers. Les chroniques, qui furent pour la plupart dévolues à son examen, lui en fournirent souvent l’occasion. Il y remarquait curieusement ce qui pouvait éclairer les origines de l’esprit moderne. À côté de l’histoire monacale, dure et malveillante pour tout le monde, excepté pour les protecteurs du couvent, il trouve déjà des chroniques laïques bien supérieures, où l’on voit la critique se dégager peu à peu des liens de l’ancienne abnégation claustrale. La curiosité maligne, qui est déjà presque de la liberté chez Baudouin de Ninove, les expressions sévères de Geoffroi de Courlon sur la papauté, les jugements sur l’Église qu’on remarque dans les chroniques fabuleuses, telles que la chronique dite de Rains, celle dite de Baudouin d’Avesnes, sortes de romans historiques faits pour le peuple, étaient des signes de l’émancipation de l’histoire. Gotfrid d’Ensmingen, notaire du sénat de Strasbourg, est bien plus remarquable. Deux cent trente ans avant Luther, l’insurrection religieuse éclate chez lui avec une vigueur toute germanique. Guillaume de Nangis n’offrit rien à M. Le Clerc qui le distinguât des autres moines historiens ; mais, à diverses reprises, le savant doyen signala le fait singulier de son