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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 479

Mais ce fut surtout l’Université de Paris qui fournit à M. Le Clerc un sujet favori d’études savantes. Il y porta une sorte de piété filiale. Garlande, la rue du Fouarre, le clos Bruneau et toute la montagne latine, ces rues étroites, ces hautes maisons, avec leurs voûtes basses, leurs cours humides et sombres, leurs salles jonchées de paille, étaient pour lui comme une patrie. Jamais on ne mit si bien en lumière le rôle capital que l’Université de Paris joue dans l’histoire, tout ce qu’eut de hautement révolutionnaire cette première fondation d’un centre puissant d’opinion, qui, à deux ou trois reprises, gouverna l’Église et l’État, gourmanda le roi, gourmanda le pape, dirigea les conciles, envoya des ambassadeurs aux nations étrangères, inaugura la force de la publicité et proclama l’idée toute française des droits du talent. Habet magnam audientiam, dit d’elle le concile de Constance. Sans aucune exagération, M. Le Clerc put considérer l’Université de Paris comme l’une des origines de la démocratie moderne et comme ayant éminemment contribué à établir chez nous le principe de l’égalité. Dans cette singulière compagnie de maîtres et de disciples, nulle distinction entre les roturiers et les nobles, les pauvres et les riches : unité de costume, justice sévère dans les examens, gratuité des cours, pauvreté pour tous, pour tous la même paille. On ne se rappelle pas assez que la moitié de Paris, depuis Philippe-Auguste jusqu’à Charles VII, fut une école ou plutôt une république où régnait le seul mérite, qui montra, bien avant la découverte de l’imprimerie, le pouvoir de la parole, exprima la première l’idée de la souveraineté du peuple, donna, par l’esprit d’équité qui présidait à ses leçons,