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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 471

valent pas plus Homère que les voussures sculptées d’une église gothique ne valent les frises du Parthénon. Rien de tout cela n’est sculpté dans le marbre ; le Parthénon ne serait pas le Parthénon, s’il n’était en marbre pentélique ; le précieux de la matière est la condition de tout chef-d’œuvre. De pesants héros ne remplaceront jamais dans le culte littéraire de l’humanité les formes divines du monde épique de la Grèce. Ces paladins de Charlemagne sont honnêtes assurément, loyaux, créés d’une seule pièce, mais ils n’ont ni grâce ni attitude ; ils ne sauraient fournir le sujet d’une frise, d’un vase peint. Ajoutez le manque de lumière, de délicatesse, l’énorme chaîne créée par des dogmes terribles, la surveillance jalouse de l’Église, une complète laideur chez le paysan, une grande platitude chez le vilain ; vous aurez le secret de la médiocrité à laquelle les œuvres du moyen âge semblent condamnées. Encore si elles étaient simples et vraies ; mais non, leur défaut est le plus souvent une déplorable afféterie, une choquante subtilité, une sorte de gaucherie. Il y a des exceptions à tout cela ; la chanson surtout sut trouver quelques accents dont l’harmonie suave égala presque les rythmes de la lyre antique ; jamais pourtant le génie barbare ne fut assez fort pour arriver au grand style, pour s’affranchir complètement de l’espèce de fatalité qui condamna nos ancêtres à ne jamais réaliser la parfaite beauté. Voilà en quel sens le moyen âge est une déchéance, une éclipse dans l’histoire de la civilisation, en quel sens aussi la Renaissance fut un légitime retour à la grande tradition de l’humanité. C’est ce que comprenaient bien nos anciens , Fleury, les bénédictins, Daunou. L’étude du moyen âge ne faussa