Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/495

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 469

tiques, l'indépendance de son jugement, faisaient de lui le vrai continuateur laïque du monument commencé par les bénédictins. Il est permis de dire cependant que le travail n’atteignit pas entre ses mains toute la perfection dont il était susceptible. Ce fut M. Le Clerc qui y porta définitivement la précision et la richesse de la grande érudition. Après dom Rivet, il fut le plus laborieux, le plus dévoué, le plus savant collaborateur qu’ait eu l’Histoire littéraire. Au premier coup d'œil, rien ne semblait le désigner pour ce travail. Jusque-là, les littératures anciennes, surtout la littérature latine, l’avaient occupé tout entier. Jamais cependant corps savant n’obéit à une intuition plus heureuse que celle qui guida l’Académie le jour où elle porta ses suffrages sur Victor Le Clerc. L’Académie vit avec une justesse parfaite que toutes les études historiques se tiennent, et que, pour bien traiter le moyen âge en particulier, la première condition est la profonde connaissance de l’antiquité. La méthode avec laquelle les littératures grecque et latine ont été étudiées depuis le XVe siècle est le modèle de toute recherche critique. En outre, la littérature du moyen âge a ses racines dans l’antiquité : souvent elle en est une décadence ; même quand elle est originale, l’antiquité reste la mesure à laquelle il faut la rapporter. L’antiquité est une règle toutes les fois qu’il s’agit des ouvrages de l’esprit ; une irréparable lacune se remarque dans les travaux sur le moyen âge et l’Orient qui ne procèdent pas d’humanistes exercés.

Telle est la raison de ce fait qui surprit beaucoup de personnes, à savoir qu’un philologue classique, assez circonscrit jusque-là dans ses goûts, transporté à l’âge de