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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 467

Royal, dire combien on les admirait, venir même jusqu’au XVIIIe siècle. Voltaire écrit à Cideville, le 6 mai 1733 : « Les infatigables et pesants bénédictins vont donner, en dix volumes in-folio, que je ne lirai pas, l’Histoire littéraire de la France. J’aime mieux trente vers de vous que tout ce que ces laborieux compilateurs ont jamais écrit. » L’ingrat ! les bénédictins s’occupaient déjà de lui et préparaient sa notice. Dans les portefeuilles de dom Rivet et de ses collaborateurs, que possède l’Institut, se trouve une note d’une respectable écriture sur « le sieur Arouet, jeune poëte d’une haute espérance ».

La mort de dom Rivet faillit être un coup mortel pour l’Histoire littéraire. L’attention publique n’était plus en France aux recueils savants. Une brillante école laïque sécularisait l’histoire, mais, en même temps, la rendait parfois superficielle. Voltaire, Montesquieu, fermaient le règne de l’in-folio ; la valeur des recherches de source était peu comprise ; la critique, devenue frivole, se montrait injuste ou dédaigneuse pour les doctes recueils. Les querelles du jansénisme, d’ailleurs, troublaient profondément la congrégation de Saint-Maur ; des discordes, des procès et comme un sentiment lointain des orages du siècle pénétraient en ces cloîtres paisibles. Les tomes X, XI, XII, par dom Poncet, dora Clément, dom Clémencet, dom Colomb, parurent à d’assez longs intervalles de 1750 il 1763. Qu’on était loin de l’espérance naïve qui avait pu faire croire aux fondateurs de l’ouvrage qu’ils arriveraient jusqu’aux temps modernes ! La fin du tome XII atteignait l’an 1167 ; on n’avait pas encore pu y donner place à la notice sur saint Bernard. Le découragement prit alors les vénérables solitaires. Le siècle ne prenait nulle garde à eux.