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JOSEPH-VICTOR LE CLERC. 467

teux. Les succès de l’enfant recueilli par cette bienveillance éclairée furent éclatants. D’illustres amitiés commençaient en même temps pour lui. M. Villemain et M. Naudet étaient à divers titres ses condisciples ou ses émules. Deux fois de suite, en 1806 et 1807, l’élève Victor Le Clerc obtint le prix d’honneur au concours général. Ces récompenses avaient une grande valeur officielle. Un décret inséré au Moniteur du 5 septembre 1806 conféra au lauréat une place gratuite à son choix dans une des écoles spéciales du gouvernement.

Mais la vocation de M. Le Clerc était marquée d’avance. L’enseignement n’était pas pour lui un pis aller ; il l’aimait pour lui-même, il le préféra à tant d’autres carrières plus brillantes. De 1808 à 1815, il fut attaché d’abord comme maître surveillant, puis comme professeur, à l’école où il avait fait ses études, et qui était devenue le lycée Napoléon. En 1815, il succéda à M. Villemain dans la chaire de rhétorique au lycée Charlemagne. Pour réussir en ce genre de professorat, il avait à surmonter beaucoup de difficultés. Ses allures graves et solennelles, contrastant avec sa jeunesse, sa mise surannée, un bégaiement qu’il sut dompter à force de volonté, ses habitudes, et, si j’ose le dire, ses coquetteries d’érudition minutieuse, devaient surprendre un jeune auditoire. Sa classe était un docte commentaire que peu d’élèves étaient capables d’apprécier, et néanmoins aucun professeur n’était plus respecté. On n’avait pas encore vu dans l’Université d’enseignement aussi solide. Bien des noms célèbres figurent dans la liste de ses élèves, ou, si l’on veut, de ses auditeurs ; il en est deux qui effacent tous les autres : M. Michelet eut M. Le Clerc