Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
449
LA PRIMITIVE GRAMMAIRE DE L'INDE.

dous, ils ne font point partie de ce qu’on peut appeler la littérature sanscrite ; ils sont le bien commun des peuples aryens. Tous y retrouvent leurs plus vieux souvenirs ; les Hindous n’ont d’autre mérite que de les avoir conservés avec un scrupule dont l’histoire des religions n’offre pas un autre exemple. On conçoit quelle valeur prennent, aux yeux du philologue, les écrits qui peuvent contribuer à jeter quelque jour sur d’aussi antiques monuments.

Au premier rang de ces écrits, dont l’étude attire en ce moment, à juste titre, tous les esprits actifs en Allemagne, il faut placer les Pràtiçàkhyas. Ce sont des essais de grammaire, probablement les plus vieux du monde, d’où sortent à chaque instant des traits de lumière pour l’histoire et la critique des hymnes védiques, comme aussi pour la philologie comparée des langues indo-européennes. Le travail de M. Adolphe Regnier est un chef-d’œuvre de précision et d’analyse. Les plus délicates pesées de la chimie égalent à peine cette rigueur, cette minutie, ne laissant derrière elle rien d’obscur ni d’inexpliqué. On ne saurait trop répéter que, dans des études en voie de se fonder, comme celles-ci, les travaux qu’il faut placer au premier rang sont ceux qui sont destinés à un tout petit nombre de travailleurs. « L’époque des dissertations et des mémoires n’est pas encore venue pour l’Inde, disait très-bien Eugène Burnouf, ou, plutôt, elle est déjà passée, et les travaux des Colebrooke et des Wilson, des Schlegel et des Lassen ont fermé pour longtemps la carrière qu’avait ouverte avec tant d’éclat le talent de sir W. Jones. Nous, qui venons après ces grands maîtres, nous devons savoir profiter de leurs le-