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LA PRIMITIVE GRAMMAIRE DE L'INDE.

compilation, car la composition de la plupart des axiomes doit être beaucoup plus ancienne.

Une telle antiquité explique suffisamment l’intérêt qui s’attache à de pareils écrits, quelle que soit leur apparente sécheresse. Les Prâtiçàkhyas sont certainement le plus ancien essai de grammaire qui existe. L’imagination s’étonne quand on songe que ces singulières compositions supposent avant elles un long mouvement d’études et de disputes scolastiques. Les Pràtiçâkhyas, en effet, mentionnent une foule de sectes grammaticales et de maîtres célèbres qui, antérieurement à l’époque de leur rédaction, avaient agité les plus subtils problèmes de l’idiome des Védas. Il est évident que, depuis des siècles, l’Inde dépensait à la grammaire de ses livres sacrés cette immense activité intellectuelle qui l’a toujours dévorée. Les Pratiçàkhyas sont une sorte de compromis entre les écoles, un de ces ouvrages qui aspirent à clore par l’éclectisme une ère d’interminables discussions. Pour que la controverse des sectes rivales ait pu, après avoir amené leur ruine, provoquer une pareille tentative de conciliation, que de siècles n’a-t-il point fallu ! La Massore des Juifs n’est venue que douze ou quinze cents ans après la rédaction définitive des textes qu’elle devait protéger. Il serait téméraire d’affirmer que dans l’Inde l’intervalle ait été nécessairement aussi long. Qu’on songe cependant au nombre de révolutions intellectuelles et de changements dans la langue qui ont dû avoir lieu pour que, d’une part, on soit arrivé à considérer les anciens livres comme sacrés, et que, d’une autre part, on ait cru indispensable de leur appliquer un système de critique et d’exégèse aussi minutieux. C’est en présence de pareils