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424 MELANGES D’HISTOIRE.

a pu y avoir accroissement d’une part, sans qu’il y ait eu perte de l’autre. Le discours le plus remarquable sur ce sujet est celui que prononça M. Welcker, au congrès de Bonn, en 1841 (Ueber die Bedeutung der Philologie). M. Welcker y a surtout envisagé l’étude de l’antiquité dans l’influence heureuse qu’elle peut exercer sur la production littéraire et sur l’éducation esthétique des nations modernes. Les anciens sont beaucoup plus pour lui des modèles et des objets d’admiration que des objets de science ; il avoue même que, s’il ne fallait voir dans la philologie que le côté scientifique, il n’en ferait guère d’estime. Ce n’est pas néanmoins à une imitation servile que M. Welcker nous invite. Ce qu’il demande, c’est une influence intime et secrète, analogue à celle de l’électricité, qui, sans rien communiquer d’elle-même, développe, sur les autres corps un état semblable ; ce qu’il blâme, c’est la tentative de ceux qui veulent trouver chez les modernes la matière suffisante d’une éducation esthétique et morale. Sans combattre cette thèse, qui est au fond la nôtre, nous ferons toutefois observer que l’on place la philologie dans une sphère beaucoup plus élevée et plus sûre, en lui donnant une valeur scientifique et philosophique pour l’histoire de l’esprit humain, qu’en la réduisant à n’être qu’un moyen d’éducation ou de culture littéraire. Si les nations modernes pouvaient trouver en elles-mêmes une source vive d’inspirations originales, il faudrait bien se garder de troubler par le mélange étranger de l’antique cette veine de production nouvelle. Les tons, en littérature, sont d’autant plus beaux qu’ils sont plus vrais et plus purs. À l'érudit, au critique, appartiennent l’universalité et l’intelligence des formes les plus