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autres cultes alors existants. Ces cultes, qui ne prétendaient à aucune valeur absolue, qui n’avaient pas de forte organisation et ne répondaient à rien de moral, se défendirent faiblement. Quelques tentatives faites pour les réformer dans le sens des besoins nouveaux de l’humanité et pour y introduire un élément de sérieux et de moralité, la tentative de Julien, par exemple, échouèrent complétement. L’Empire, qui voyait non sans raison son principe menacé par la naissance d’un pouvoir nouveau, l’Église, résista d’abord énergiquement ; il finit par adopter le culte qu’il avait combattu. Tous les peuples grécisés et latinisés devinrent chrétiens ; les peuples germaniques et slaves se rallièrent un peu plus tard. Seules, dans la race indo-européenne, la Perse et l’Inde, grâce à leurs institutions religieuses très-fortes et intimement liées à la politique, conservèrent, fort altéré, il est vrai, le vieux culte de leurs ancêtres. La race brahmanique, surtout, rendit au monde un service scientifique de premier ordre, en conservant, avec un luxe de précaution minutieux et touchant, les plus vieux hymnes de ce culte, les Védas.

Mais après cette incomparable victoire, la fécondité religieuse de la race sémitique n’était pas épuisée. Le christianisme, absorbé par la civilisation grecque et latine, était devenu une chose occidentale ; l’Orient, son berceau, était justement le pays où il rencontrait le plus d’obstacles. L’Arabie en particulier, au viie siècle, ne pouvait se décider à se faire chrétienne. Flottant entre le judaïsme et le christianisme, les superstitions indigènes et les souvenirs du vieux culte patriarcal, choquée des éléments mythologiques que la race indo-européenne avait introduits dans le sein du christianisme, elle voulut revenir à la re-