Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LES CONGRÈS PHILOLOGIQUES. 413

de nos voisins sont encore à peu près celles des humanistes de la Renaissance. Ainsi, la présence de Jacobs, ce Nestor de la philologie allemande, comme ils disent, au congrès de Manheim, en 1839, donna lieu à une scène patriarcale, qui chez nous paraîtrait d’un autre monde. Nous concevons à merveille le respect pour la science ; mais nos raffinements, en fait de goût, nous feraient craindre qu’on ne vit une parodie dans ces discours d’une rhétorique pompeuse, dans ces compliments emphatiques, dans ces adresses en style lapidaire, qui, chez nos voisins, ont encore le privilége de ne pas faire sourire. Chaque congrès finit d’ordinaire par un banquet, relevé de vers latins, d’acrostiches, de jeux littéraires. La joie même est classique chez ces respectables érudits : on joue avec des citations de Virgile et d’Homère ; on boit en pensant à Horace.

Les esprits sérieux ne se scandaliseront pas de ces enfantillages. Ils savent que le pédantisme est souvent nécessaire, toujours excusable. Personne ne s’en offense chez les humanistes de la restauration carlovingienne ni chez ceux de la Renaissance ; il faut que l’esprit humain s’amuse d’abord quelque temps de ses découvertes et des résultats nouveaux qu’il introduit dans la science, il faut qu’il s’en fasse un plaisir, quelquefois même un jouet, avant d’y voir un objet de méditation purement philosophique. Le même ton devra se retrouver et pareillement s’excuser chez l’érudit exclusif et absorbé, qui creuse sa mine avec passion, surtout si un puissant esprit ne vient pas élargir ses vues, et si la simplicité de sa vie extérieure le réduit à n’être jamais qu’érudit. La haute philosophie, le commerce de la société ou la pratique des affaires peuvent seuls préserver la science du pédan-