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396 MÉLANGES D’HISTOIRE.

universelle, un des premiers besoins de l’homme pensant. M. Græfenhan est le premier qui ait entrepris une histoire complète de la philologie. Cette histoire offre des difficultés toutes spéciales, dont la première est sans doute de donner à l’ouvrage un cadre précis. Entendue dans son sens le plus restreint, l’histoire de la philologie ne serait que l’histoire de la grammaire, de l’exégèse et de la critique des textes ; les travaux d’érudition, d’archéologie, de critique esthétique en seraient distraits. Or une telle exclusion est peu naturelle ; car ces deux ordres de recherches ont entre eux les rapports les plus étroits. D’ordinaire, ils sont réunis par le même individu, souvent dans le même ouvrage. Éliminer l’érudition de l’histoire des travaux philologiques serait opérer une scission artificielle et arbitraire dans un groupe naturel. Que l’on prenne, par exemple, l’école d’Alexandrie ; à part quelques spéculations philosophiques et théurgiques, tous les travaux de cette école, ceux mêmes qui ne rentrent pas directement dans la philologie, ne sont-ils pas empreints d’un esprit qu’on peut appeler philologique, esprit que ladite école porte jusque dans la poésie et la philosophie ? Une histoire de la philologie serait-elle complète, si elle ne parlait d’Apollonius de Rhodes, d’Apollodore, d’Élien, de Diogène Laërce, d’Athénée et des autres polygraphes, dont les œuvres pourtant sont loin d’être philologiques, dans le sens le plus restreint du mot ? — Si, d’un autre côté, on prend l’histoire de la philologie dans toute son extension possible, où s’arrêter ? Sans s’en douter, on sera presque forcément amené à en faire l’histoire de la littérature, au moins de la littérature réfléchie. Les historiens, les critiques, les polygraphes, les écrivains d’histoire litté-