Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN CHINE. 387

sort d’un précédent. Prendre l’humanité à un point isolé de son existence, c’est se condamner à ne jamais la comprendre ; elle n’a de sens que dans son ensemble. Là est le prix de l’érudition, créant de nouveau le passé, explorant toutes les parties de l’humanité ; qu’elle en ait ou non la conscience, l’érudition prépare la base nécessaire de la philosophie.

L’éducation, plus modeste, obligée de se borner et ne pouvant embrasser tout le passé, s’attache à la portion de l’antiquité qui, relativement à chaque nation, est classique. Or ce choix, qui ne peut jamais être douteux, l’est pour nous moins que pour tout autre peuple. Notre civilisation, nos institutions, nos langues sont construites avec des éléments grecs et latins. Donc le grec et le latin, qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, nous sont imposés par les faits. Nulle loi, nul règlement ne leur a donné, ne leur ôtera ce caractère qu’ils tiennent de l’histoire. De même que l’éducation chez les Chinois et les Arabes ne sera jamais d’apprendre l’arabe ou le chinois vulgaire, mais sera toujours d’apprendre l’arabe ou le chinois littéral ; de même que la Grèce moderne ne reprend quelque vie littéraire que par l’étude du grec antique ; de même l’étude de nos langues classiques, inséparables l’une de l’autre, sera toujours chez nous, par la force des choses, la base de l’éducation. Que d’autres peuples, même européens, les nations slaves par exemple, les peuples germaniques eux-mêmes, bien que constitués plus tard dans des rapports si étroits avec le latinisme, cherchent ailleurs leur éducation, ils pourront s’interdire une admirable source de beauté et de vérité ; au moins ne se priveront-ils pas du commerce direct avec leurs ancêtres ;