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interprètes. La philosophie juive de cette époque, c’est la philosophie arabe sans modification. Une page de Roger Bacon renferme plus de véritable esprit scientifique que toute cette science de seconde main, respectable assurément comme un anneau de la tradition, mais dénuée de grande originalité.

Si nous examinons la question au point de vue des idées morales et sociales, nous trouverons que la morale sémitique est parfois très-haute et très-pure. Le Code attribué à Moïse renferme de hautes idées de droit. Les prophètes sont par moments des tribuns fort éloquents. Les moralistes, Jésus fils de Sirach, Hillel, atteignent une surprenante hauteur. N’oublions pas enfin que la morale de l’Évangile a été d’abord prêchée en une langue sémitique. D’un autre côté, le caractère sémitique est en général dur, étroit, égoïste. Il y a dans cette race de hautes passions, du complets dévouements, des caractères incomparables. Il y a rarement cette finesse de sentiment moral qui semble être surtout l’apanage des races germaniques et celtiques. Les sentiments tendres, profonds, mélancoliques, ces rêves d’infini où toutes les puissances de l’âme se confondent, cette grande révélation du devoir qui seule donne une base solide à notre foi et à nos espérances, sont l’œuvre de notre race et de notre climat. Ici donc l’œuvre est mêlée. L’éducation morale de l’humanité n’est le mérite exclusif d’aucune race. La raison en est toute simple : la morale ne s’apprend pas plus que la poésie ; les beaux aphorismes ne font pas l’honnête homme ; chacun trouve le bien dans la hauteur de sa nature et dans l’immédiate révélation de son cœur.

En fait d’industrie, d’inventions, de civilisation maté-