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372 MÉLANGES D’HISTOIRE.

d’instruction publique des Chinois et celui des nations européennes. Le choix identique des moyens d’éducation adoptés de part et d’autre constitue une autre analogie non moins remarquable. De même, en effet, que les nations européennes se sont accordées à donner pour base à l’instruction de la jeunesse, non point l’étude de la langue moderne, au moins dans son état contemporain, mais l’étude des langues et des littératures anciennes, ainsi que d’un certain nombre d’auteurs représentant un autre âge de la langue moderne ; de même les Chinois n’ont jamais fait consister l’éducation dans l’étude du style vulgaire, mais dans la connaissance de ces monuments antiques dont la forme est si différente de celle qui est maintenant usitée. Les King sont les classiques de la littérature chinoise. Ces ouvrages sont écrits dans une langue plus ancienne et tellement différente de l’usuelle, que M. Abel Rémusat ne craignait pas de dire que le chinois vulgaire est peut-être plus éloigné du chinois littéral que celui-ci ne l’est du latin et du français[1]. Cette langue ancienne est, en outre, d’une concision désespérante, sans caractères alphabétiques, d’une structure imparfaite, dénuée de formes grammaticales rigoureusement définies, et, par toutes ces raisons, d’une obscurité que les commentaires peuvent à peine dissiper ; ce qui la rend inaccessible au vulgaire. On peut d’abord s’étonner que les Chinois aient choisi comme moyen d’éducation des textes dont l’étude paraît être de si peu d’usage dans la vie ordinaire. Le style moderne, en effet, est clair et facile. « Ici, dit M. Rémusat, tous les rapports sont marqués, toutes les nuances sont exprimées,

  1. Recherches sur les langues tartares. page 119.