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dans les affaires des villages. Il n’y a, dans la tribu, rien d’analogue à ce qu’est l’amin dans le village. En certains cas de guerre, les notables choisissent pour centraliser les ressources et veiller aux intérêts généraux un « amin de la tribu » ; mais ces fonctions, qu’on peut comparer à celles d’un chef d’état-major, cessent avec la cause qui leur a donné naissance. Les tribus se font et se défont, se démembrent, s’incorporent à d’autres tribus, parfois disparaissent, tandis que, pour la disparition du village, il faudrait l’extinction de toutes les familles qui le composent, c’est-à-dire une véritable impossibilité.

Il est très-rare que la tribu se réunisse en assemblée générale. Dans les temps ordinaires, lorsqu’il y a lieu de prendre quelque mesure, les notables des différents villages, délégués par leur djémâa respective ou désignés par leur position pour prendre part aux conseils du pays, se réunissent et délibèrent. Ces espèces de conseils fédéraux se tiennent en plein air, dans des endroits consacrés par l’usage. Malgré l’extrême simplicité de ses institutions, la tribu kabyle inspire un véritable patriotisme. Tout le monde tient à honneur de la défendre, de la venger, de faire respecter son anaïa. Si une tribu déclare la guerre à une tribu voisine ou est attaquée, toute guerre de village à village doit finir, tous doivent se réunir contre l’ennemi commun.

Le patriotisme kabyle ne va pas au delà de la tribu. Il existe bien entre les tribus des confédérations qui sont à la tribu ce que la tribu est au village ; mais le lien en est très-relâché. Toutes les tribus d’ailleurs n’entrent pas dans ces confédérations ; plusieurs restent isolées et se contentent d’assurer leur sécurité par des alliances, et