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lage ou de sa tribu, est puni de mort et de la confiscation de tous ses biens ; sa maison est démolie. « On ne peut refuser à l’institution de l’anaïa, disent MM. Hanoteau et Letourneux, un caractère de véritable grandeur. C’est une forme originale de l’assistance mutuelle, poussée jusqu’à l’abnégation de soi-même, et les actes héroïques qu’elle inspire font le plus grand honneur au peuple kabyle. Malheureusement la nécessité même de ces dévouements est l’indice d’un état social peu avancé, où l’individu est obligé de se substituer à la loi pour protéger les personnes. » L’anaïa est aussi la cause de la plupart des petites guerres qui formaient le fond de l’histoire kabyle avant que l’occupation étrangère fût venue y mettre fin.


III.


La guerre est, en effet, l’étal naturel d’une société composée de petites unités communales, sans pouvoir supérieur qui ait le droit de s’interposer entre elles et de juger leurs différends. Il n’y a pas à cela une exception dans l’histoire. Le régime des villes, des communes, des tribus indépendantes, est le régime de la guerre de tous contre tous. Les hommes s’entre-tuent, dès qu’ils n’en sont pas empêchés par un État fort, qui les domine. Nous avons dit que le village est la seule unité véritable du monde kabyle ; nous montrerons bientôt certaines agglo-