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La djémâa ne délègue en réalité aucun de ses pouvoirs souverains, mais elle choisit dans son sein un agent, l’amin, chargé de faire la police, d’assurer l’exécution des arrêts, de veiller au maintien de l’ordre et à l’exécution des règlements[1]. Cet agent n’est qu’un chef temporaire du pouvoir exécutif ; il ne peut prendre aucune décision sans la djémâa. Une fois nommé et installé, l’amin choisit dans chacune des fractions du village une sorte d’adjoint, responsable envers lui et chargé de le seconder dans l’accomplissement de ses nombreux devoirs. Toutes ces fonctions sont gratuites. Si le gouvernement à bon marché est le meilleur de tous, les Kabyles ont réalisé la perfection. On verra plus loin à quel prix cette simplicité décevante a été obtenue, et comment la conséquence de ce singulier régime a été de maintenir la guerre civile en permanence dans chaque village et dans chaque tribu.

La durée des fonctions de l’amin n’est pas fixée. Il y a des exemples d’amin qui sont restés dix ans et plus à leur poste. L’élection se fait sans compter les voix, après une série de pourparlers et de concessions mutuelles. La votation par scrutin est contraire à toutes les idées des Kabyles sur les prérogatives auxquelles donnent droit l’âge, la position, la naissance et la valeur personnelle des individus. Tout Kabyle peut être amin de son village ; mais ici encore les mœurs restreignent le principe général. Pour être appelé à cette dignité, il faut présenter certaines conditions qui, bien que n’étant stipulées nulle

  1. Inutile de rappeler que la conquête française et surtout les mesures qui ont été la conséquence de la dernière révolte ont profondément modifié cette organisation.