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c’est-à-dire quelques chants populaires, quelques récits.

L’histoire des Berbères est obscure ; on la conclut surtout de l’histoire des autres races qui ont été en rapport avec eux. Les Berbères ont eu cependant un historien qu’on peut appeler de génie, l’arabe Ibn-Khaldoun. Dans sa vaste encyclopédie historique, le monument de beaucoup le plus surprenant que nous ait légué l’historiographie musulmane, Ibn-Khaldoun consacre aux Berbères un livre entier, qu’a publié et traduit, avec sa sûreté ordinaire, M. de Slane. — Quant à la vieille religion africaine, elle a disparu sans retour ; l’islamisme l’a complètement oblitérée. On parle vaguement de quelques massifs de montagnes très-avancés vers le sud, chez les Touaregs, où les habitants ne seraient pas musulmans ; peut-être sont-ils chrétiens, peut-être juifs. Jusqu’à présent nous n’avons, pour connaître le culte indigène de l’Atlas, du Sahara et des côtes barbaresques, qu’un petit nombre de passages des auteurs grecs et latins, notamment de la Johannide de Corippus, et quelques indices épigraphiques. C’est bien peu ; des dieux si fort oubliés de leurs anciens fidèles n’ont guère d’espoir de résurrection.

Reste la législation coutumière, partie d’ordinaire si persistante de l’individualité d’une race. Cet élément essentiel est très-bien conservé chez les Kabyles. Tout en étant sans réserve convertis à l’islam et en se montrant, sous le rapport du dogme, des musulmans irréprochables, les Kabyles, dans un grand nombre de cas, s’écartent des prescriptions de la loi civile du Coran, disant avec beaucoup de sens que ces prescriptions ont été faites pour un pays très-différent du leur, et pour un peuple qui n’avait pas leur manière de vivre. C’est là un phénomène