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démonstratif n’a encore été proposé à cet égard. La famille dont nous parlons est donc jusqu’à nouvel ordre purement africaine, ou plutôt atlantique et saharienne. À côté des deux groupes linguistiques et historiques déjà si bien dessinés, groupe indo-européen, groupe sémitique, est venu de la sorte se placer un troisième groupe, dont les caractères ne sont pas moins tranchés, bien qu’assurément sa destinée dans l’histoire ait été moins brillante.

On ne pouvait soupçonner, il y a trente ans, l’étendue et la solidité qu’on arriverait à donner à cette individualité ethnographique. Non-seulement la race berbère a maintenant un droit de cité incontestable dans le monde de l’anthropologie ; elle est même devenue l’objet d’une science. Autour de cette race indigène du nord de l’Afrique s’est créé, en effet, un ensemble d’études analogues à celles dont le monde sémitique et le monde indo-européen fournissent la matière. Sans doute l’intérêt n’est pas le même ; les instruments d’étude sont moins nombreux ; la race berbère tient dans le monde une place de quatrième ou cinquième ordre, si on compare le rôle qu’elle a joué à celui des Hébreux, des Phéniciens, des Arabes, des Grecs, des Romains, des Celtes, des Germains ; mais, pour n’avoir qu’un rang assez humble dans l’échelle du génie, la race berbère n’en est pas moins importante dans l’ensemble de l’humanité. Son étonnante vivacité est un des phénomènes de l’histoire les plus dignes d’être étudiés. À l’époque romaine, d’ailleurs, le monde berbère a introduit quelques éléments essentiels dans le mouvement général de la civilisation, en prenant une part considérable à la formation du christianisme latin.