du reste incontestable, qui les rattache au Prophète et aux familles héroïques. Cette religion du sang l’emporte de beaucoup dans leur esprit sur la considération de l’orthodoxie ; le Turc, quelque élevées que soient ses fonctions, n’est jamais à leurs yeux qu’un mameluk parvenu, et un chef arabe à qui un spirituel voyageur[1] demandait lequel méritait plus d’égards d’un pacha turc, bon musulman, ou d’un gentilhomme chrétien, répondit sans hésiter : « Il suffit d’un seul instant pour qu’un polythéiste ou un idolâtre devienne un saint musulman, tandis qu’il faut des siècles pour faire un gentilhomme. »
La relation du voyage d’Ibn-Batoutah à Médine présente aussi de bien curieux détails. On touche avec le pèlerin le clou d’argent qui indique la place de la tête de l’envoyé de Dieu. Mahomet, étant presque le seul prophète qui ait joui de son vivant de toute sa notoriété, et qui soit entré de plain-pied et sans intervalle dans sa réputation prophétique, est le seul aussi dont le tombeau soit parfaitement authentique et dont on pourrait à la rigueur toucher les ossements. Il est là, vraiment, à Médine, sous une plaque de marbre, et un jour peut-être on verra à la clarté du soleil cet étrange cadavre, qui, plus puissant que l’aimant ridicule dont l’ignorance l’entoura, attire encore des extrémités du monde des millions de croyants. Abou-Bekr et Omar, ses deux camarades de lit, reposent dans le même tombeau ; alentour, les Mohadjir et les Ansar, tout l’âge héroïque de l’islamisme. Peu de religions, il faut l’avouer, ont des lieux saints aussi authentiques et aussi historiques. C’est le propre de l’islamisme de nous faire toucher du doigt ce qui ailleurs
- ↑ M. d’Escayrac de Lauture.