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nent au caractère du peuple arabe, le moins mystique de tous les peuples, celui dont la théologie est la plus simple et se réduit à deux mots : Dieu est Dieu. Pas de saints, pas de Vierge, aucun élément d’épopée divine, pas une ombre de symbolique. Ce qui s’est développé de mythologie dans l’islam est venu de ce levain d’illuminisme qui a toujours couvé en Perse et y a produit de perpétuelles révoltes contre la simplicité de la foi musulmane. À la Mecque, rien de tout cela : une mâle et rude aristocratie, restée immobile dans sa fierté, son manque absolu d’imagination religieuse, son monothéisme exalté ; des vengeances, des meurtres, une complète anarchie, comme à l’époque qui précéda l’islam ; nulle dispute de théologie, seulement des luttes de préséance et de généalogie. Ibn-Batoutah raconte à ce propos une curieuse histoire : « On rapporte, dit-il, qu’un jour le jurisconsulte Aboul-Abbas, s’entretenant à Médine avec quelqu’un, proféra une grosse erreur dans laquelle il tomba par suite de son ignorance dans la science des généalogies, et faute de savoir retenir sa langue. Il lui échappa de dire que Hosein, fils d’Ali, ne laissa pas de postérité. L’émir de Médine, Tofaïl, informé de ce propos, le blâma avec raison, et voulut tuer le coupable. Sur les instances qu’on lui adressa, il se contenta de le chasser de Médine ; mais on dit qu’il dépêcha après lui quelqu’un pour l’assassiner ; il est sûr au moins que depuis on n’a jamais eu de ses nouvelles. Que Dieu nous garde des fautes et des erreurs de la langue ! »

Voilà les controverses des théologiens de la Mecque ! C’est qu’en effet pour les chérifs ( nobles) mecquois, le premier article de foi est la généalogie, le plus souvent