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et les allures étaient plus distingués. Quelque part que l’on fasse à l’idéalisme du peintre, le monde qu’on entrevoit derrière le Sposalizio de Raphaël, ou la Vie d’Ænéas Sylvius au dôme de Sienne, ou les fresques de Santa-Maria-Novella, l’emportait immensément en finesse et en grâce sur le monde de Saint-Jacques-de-la-Boucherie et des Célestins. Le type général du siècle, tel que les miniatures nous le présentent, est chez nous soucieux et laid ; les poses sont vulgaires, les costumes lourds et disgracieux ; nulle noblesse, nul génie. La grande infériorité de l’art moderne à l’égard de l’art ancien se révèle déjà. Déshérités en tout ce qui tient à la beauté des formes extérieures, les peuples modernes, pour arriver à la noblesse, seront obligés d’abdiquer leurs costumes et leurs allures nationales. Ils n’auront pas de choix entre la vulgarité bourgeoise ou la noblesse théâtrale. Leurs arts plastiques, leur statuaire surtout, seront frappés de quelque affectation et d’une certaine gaucherie.

L’exagération du style ogival ne nuisit pas moins au développement des arts du dessin. Suivant leur principe d’amincissement et de maigreur générale jusqu’aux dernières limites, nos architectes en vinrent presque à supprimer les surfaces lisses. Chassée de son domaine naturel, qui est la grande composition murale, la peinture s’abaissa peu à peu au niveau de la peinture en bâtiments. On ne songe plus qu’à entourer les colonnettes de mesquines torsades ; on se rejette, pour la décoration des autels, sur une imagerie en pierre, lourde et sans accent. Qu’on imagine ce que fût devenue la peinture en Italie, si les églises du temps de Giotto eussent été construites dans ce style, si le génie de ce grand