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dès l’abord aux dernières conséquences. La décadence était en quelque sorte obligée ; on se demande en vain à quel moment d’un art aussi tourmenté on eût pu trouver un point stable pour fixer le canon et fournir une base à l’art de l’avenir.

Un défaut général de solidité fut, quoi qu’on en dise, la conséquence de ce système compliqué d’architecture. L’édifice grec et romain est éternel, à la seule condition qu’on ne le détruise pas. Il n’a besoin d’aucune réparation. L’édifice gothique est assujetti à des conditions si multipliées, qu’il s’écroule vite, à moins de soins perpétuels. Visant à l’effet, cachant plus d’une négligence dans les parties soustraites à l’œil du spectateur, les constructions gothiques souffrent toutes de deux maladies mortelles, l’imperfection des fondements et la poussée des voûtes. Un simple dérangement dans le système d’écoulement des eaux suffit pour tout perdre. Le Parthénon, les temples de Pœstum, ceux de Baalbek, n’aspirant qu’au solide, seraient intacts aujourd’hui, si l’espèce humaine eût disparu le lendemain de leur construction. Dans ces conditions-là, une église gothique n’eût pas vécu cent ans. Ces églises ont été perpétuellement entretenues et rebâties ; elles auraient toutes disparu en notre siècle, si un zèle intelligent ne nous avait portés à les restaurer. Dans les villes où il y a des édifices romains et des édifices gothiques, les seconds comparés aux premiers paraissent des ruines. Il n’y aura plus au monde une église gothique quand les constructions grecques et romaines étonneront encore par leur caractère d’éternité. Je sais ce que l’on peut répondre. « Le Parthénon couvre 400 mètres, la cathédrale d’Amiens 7 000. Si les Grecs avaient eu