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suite de l’influence italienne, une nuance analogue (écriture gothique, les temps gothiques, etc.). De là à prétendre que les Goths avaient inventé ce style, il n’y avait qu’un pas : Vasari le franchit, et aujourd’hui ce non-sens historique n’est pas encore déraciné de l’Italie[1].

Comment se forma ce style extraordinaire, qui, durant près de quatre cents ans, couvrit l’Europe latine de constructions empreintes d’une si profonde originalité ? Les doctes et judicieuses recherches que je rappelais tout à l’heure ont résolu la question. Les anciennes hypothèses, et d’une influence orientale, et d’une origine germanique, et d’un prétendu type xyloïdique (architecture en bois), doivent être absolument abandonnées. Le style gothique sortit du style roman par un épanouissement naturel, ou, si on l’aime mieux, par le travail d’hommes de génie tirant avec une logique inflexible les conséquences de l’art de leur temps : il fut la continuation d’un style antérieur, créé vers l’an 1000 et déduit lui-même des lois qui jusque-là avaient présidé en Occident à la construction des temples chrétiens.

Tout le monde est d’accord pour reconnaître que les églises antérieures au xie siècle, à l’exception de celles que l’on bâtissait sous l’influence directe de Byzance, n’étaient que de chétives imitations des anciennes basiliques du temps des empereurs chrétiens. Le toit était soutenu par une charpente qui se voyait de l’intérieur ; le travail était le plus souvent défectueux et sans style. Le mouvement extraordinaire de construction qui suivit l’an 1000 amena dans l’architecture chrétienne le plus grave

  1. On le trouve développé avec une assurance surprenante dans l’opuscule de M. Troya, Della architettura gotica, Naples, 1857.