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« Certainement, dit-il, Marc est un excellent homme ; mais, pour le plaisir de s’entendre appeler clément, il souffre des gens dont il n’approuve nullement la conduite. Il passe son temps à philosopher, à disserter sur les éléments, sur l’âme, sur l’honnête et le juste, et il est indifférent aux choses de l’État… » Un homme de ce caractère n’avait pas besoin de l’instigation de Faustine pour devenir un prétendant. Avidius était comme entraîné à la funeste entreprise qui le perdit par son tour d’esprit, par les murmures qu’excitait le gouvernement de Marc-Aurèle chez plusieurs classes de personnes, par l’instinct secret de la ville d’Antioche et de la Syrie, qui voulaient avoir un empereur, par une sorte de besoin qui poussait déjà l’Orient à disposer de l’empire.

Aux lettres précitées, Vulcatius en ajoute quatre autres, deux de Marc-Aurèle, deux de Faustine, qui, si elles sont authentiques, lavent l’impératrice de tout soupçon de complicité[1]. Tillemont, le premier, éleva des soupçons contre l’authenticité de ces lettres ; il trouva que les circonstances de lieu y sont inexplicables et qu’elles s’accordent mal avec ce que les historiens nous disent des conjonctures où Marc-Aurèle apprit la révolte d’Avidius[2]. Ces lettres, en effet, supposent Marc-Aurèle près de Rome. Or, selon les historiens, Marc-Aurèle apprend la révolte en Illyrie et ne revient à Rome qu’après son voyage d’Orient, par conséquent bien après la mort d’Avidius. L’illustre Borghesi parut porter le dernier coup à l’authenticité de ces quatre lettres, en montrant

  1. Vie d’Avid., 9, 10, 11.
  2. Hist. des Emp., t. II, note 19 sur le règne de Marc-Aurèle.