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encourager, de sourire à toute chose ; il regarde comme une partie de sa tâche de décourager, d’empêcher, — de décourager la science fausse, le charlatanisme, — d’empêcher les directions funestes à la bonne discipline des esprits. Personne n’a plus le bras assez ferme pour cela. Le parti conservateur s’abandonne à des alarmes puériles, en s’imaginant que nous sommes à la veille de scènes de pillage et de violence. Ce qui nous est réservé, ce n’est pas la violence ; c’est la mollesse. Pour les initiatives individuelles, l’ère qui paraît s’ouvrir pourra être un temps excellent ; pour la grande direction politique, ce sera un temps presque nul. Si les événements extérieurs nous laissent en paix, nous pourrons donner le spectacle d’une des productions les plus riches et les plus variées qui se puissent imaginer ; mais de maîtrise exercée par une autorité quelconque, il n’y en aura pas. Une sorte d’indulgence universelle laissera tout passer ; à la longue, un dissolvant général détruira toute influence magistrale venant d’une classe aristocratique ou de groupes d’élite.

Ce qui fait qu’on doit envisager une telle perspective sans trop de crainte, c’est qu’il est probable que tous les pays viendront, chacun à leur tour, à l’état où nous sommes. Les progrès de la réflexion