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goût de la philosophie ; Junius Rusticus, qui lui prêta le volume d’Epictète ; Apollonius de Chalcis, qui alliait l’extrême fermeté à la parfaite douceur ; Sextus de Chéronée, si grave et si bon ; Alexandre le grammairien, qui reprenait avec une politesse si raffinée ; Fronton, qui lui enseigna ce qu’il y a dans le cœur d’un tyran d’envie, de duplicité, d’hypocrisie ; son frère Sévérus, qui lui fit connaître Thraséas, Helvidius, Caton, Brutus, qui lui donna l’idée d’un État libre, où la règle est l’égalité naturelle des citoyens et l’égalité de leurs droits, d’une royauté qui place avant tout le respect et la liberté des citoyens ; et, dominant tous les autres de sa grandeur immaculée, Antonin le Pieux, son père d’adoption, qui lui offrit le modèle de l’homme et du souverain accomplis. « Je remercie les dieux, dit-il, de m’avoir donné de bons aïeuls, de bons parents, une bonne sœur, de bons maîtres, et, dans mon entourage, dans mes proches, dans mes amis, des gens presque tous remplis de bonté. Si j’ai vécu sous la loi d’un prince et d’un père qui devait dégager mon âme de toute fumée d’orgueil ; s’il m’a été donné de rencontrer un frère dont l’attachement devait faire la joie de mon cœur ; si j’ai eu en partage une femme comme la mienne, si complaisante, si affectueuse, si simple[1] ; si j’ai trouvé tant de gens capables pour l’éducation de mes enfants : oui, tant de bonheur ne peut être que l’effet de l’assistance des dieux et d’une heureuse fortune. »

Ainsi, voilà cette Faustine, qu’on voudrait nous donner

  1. Pensées, livre I, § 17 : Τὸ τὴν γυναῖκα τοιαύτην εἶναι, οὑτωσὶ μὲν πειθήνιον, οὕτω δὲ φιλόστοργον, οὕτω δὲ ἀφελῆ.