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main. Quatre empereurs seulement, depuis Auguste jusqu’à l’anarchie du IIIe siècle, ont eu pour père un empereur ; trois d’entre eux sont Domitien, Commode et Caracalla, les plus méchants hommes qui aient jamais régné. Faute d’une volonté bien fixe sur ce point, Auguste se vit enlacé d’intrigues, entouré de crimes domestiques, livré à d’étranges soupçons. Il y avait neuf personnes entre Tibère et l’empire ; tous les neuf tombèrent, et en définitive l’empire fondé par Auguste échut à un homme que Auguste n’aimait pas, au représentant de la plus altière de ces familles patriciennes qu’il avait combattues toute sa vie. Auguste n’avait pas assez de force morale pour dominer sa famille ; il lui avait donné trop de droits. Il est bien remarquable que l’idée de légitimité venait non d’Auguste, mais de Julie et de Livie. Un jour, un ami d’Auguste disait à Julie : « Pourquoi ne suivez-vous pas l’exemple de votre père ? Voyez comme il se garde de froisser les autres hommes, comme il évite de blesser leur amour-propre, comme il prend à tâche de ne pas leur faire sentir qu’il est le maître de l’empire ! » Julie répondit : « Mon père ne sait ce que c’est que conserver sa dignité ; quant à moi, je sais et je n’oublierai jamais que je suis la fille de l’empereur. »

Fatal régime que celui où l’hérédité, l’élection, l’adoption étaient également funestes, où Nerva, Trajan, Adrien Antonin, Marc-Aurèle ne se sont succédé que grâce à l’heureux hasard qui voulut que les quatre premiers n’eussent pas d’héritier direct, où Marc-Aurèle ouvre une période néfaste, parce qu’il eut un fils ! Ne fonde pas l’hérédité qui veut. Il faut pour cela des siècles et des races très-honnêtes ; les Germains seuls y ont réussi ; il