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réforme dans le sens monarchique et gouvernemental ne se fera donc pas avec l’assentiment spontané de la France. Où prendre la force pour contraindre la France, pour lui faire accepter ce dont elle ne comprend pas la nécessité ? À l’intérieur ? L’armée, c’est la France même. Une armée ne se sépare de la nation d’où elle sort que par l’effet du sentiment prédominant qui l’attache à un général victorieux. Et même alors, les coups d’État (le 18 brumaire, le 2 décembre, par exemple) se font dans le sens voulu, à tort ou à raison, par la majorité de la nation — Demanderait-on à l’extérieur l’appui nécessaire pour la réaction ? L’extérieur, c’est l’Allemagne. L’Allemagne jouit du privilège de la victoire ; elle a l’hégémonie en Europe pour le temps ordinaire que durent les hégémonies. Sa volonté est celle de Jupiter, d’ici à vingt ou vingt-cinq ans. Or l’intérêt de l’Allemagne n’est nullement que la France se réforme comme elle le fit elle-même à partir de 1808. L’intérêt de l’Allemagne est bien plutôt (elle le croit du moins ainsi) que la France reste dans l’état d’affaiblissement politique et militaire qu’entraînent à certains égards la démocratie et le gouvernement républicain.

Voilà ce que M. Thiers vit à Bordeaux, et en somme