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était un noble, où l’on choisissait les ambassadeurs pour leur beauté, où des victoires comme celle de Marathon ont été remportées par des soldats qui n’étaient pas des conscrits, où des pièces comme celles de Sophocle ont été applaudies par le peuple, où un art comme celui de l’Acropole a été compris, voulu, demandé à l’artiste par le public, cette ville a été dans le monde quelque chose d’unique.

La plupart des créations vraiment originales d’art ou de littérature ont eu lieu de la même manière dans des petits centres plus ou moins républicains où tout le monde se connaissait, où l’homme de génie avait sa valeur, sa raison d’être. Ces dénominations de « siècle d’Auguste, siècle de Léon X, siècle de Louis XIV » renferment des erreurs historiques ; elles rapportent abusivement la gloire de générations illustres à ceux qui les ont enterrées honorablement. Le règne d’Auguste marque la fin du beau mouvement de littérature latine qui avait illustré les deux derniers siècles de la république. Les Médicis voient s’arrêter l’élan de la Renaissance, inaugurée par les républiques italiennes du moyen âge. Louis XIV préside à la décadence du libre génie français, tel que l’avait connu l’époque glorieuse qui précéda l’avènement de sa toute-puissante royauté.

Je suis de l’avis de M. Beulé sur ces points. Mais, tout en maintenant sévèrement dans l’histoire la hiérarchie des degrés divers de noblesse, il ne faut pas méconnaître les nécessités des temps. Nos siècles modernes, par exemple, ne peuvent être comparés en rien au splendide idéal de la vie grecque, qui n’a existé qu’une fois pour l’éternelle consolation de l’humanité en ces tristes landes qu’elle a traversées et traversera encore. Comment voulez-vous qu’un