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tie de cette Collection orientale, décrétée à une époque de libérales entreprises pour montrer ce que peut faire l’Imprimerie nationale, le Livre des Rois, avec ses titres somptueux, le riche encadrement de ses pages et, ce qui vaut bien mieux encore, la perfection de son exécution typographique, est un livre inabordable pour les particuliers. Les souverains seuls le possèdent, et ils le lisent peu. Les hommes d’étude, qui le liraient, ne le trouvent que dans un très-petit nombre de bibliothèques. Ajoutons que l’énormité du format, la grosseur et le poids des volumes en font le plus majestueux sans doute, mais aussi le plus incommode des livres. Mohl sentait cela mieux que personne, et une de ses volontés les plus arrêtées était, aussitôt que la grande publication serait achevée, de donner de sa traduction une édition accessible à tout le monde et facilement maniable. Madame Mohl remplit aujourd’hui avec un zèle pieux et un louable empressement les intentions de son mari ; trois volumes de cette réimpression, si désirée des savants, ont déjà paru, et les autres semblent devoir suivre avec une rapidité à laquelle on est peu habitué en ces sortes d’entreprises. Le Livre des Rois ou Schah-nameh, de Firdousi, a un intérêt hors ligne pour l’histoire comparée des littératures. Au choix que Mohl fit de cette vaste chanson de gestes pour y consacrer sa vie, on sent un esprit philosophique, on sent surtout l’ami de Fauriel, c’est-à-dire de l’homme qui a le plus contribué à répandre les idées vraies sur la nature de l’épopée. Une des plus grandes erreurs de l’école universitaire, fille des rhéteurs latins de l’époque romaine, avait été de classer sous un même nom les poëmes homériques, l’Énéide, la Pharsale, la Henriade,