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reconstruire tout un monde, on avouera qu’il serait bien périlleux, d’après les caves du Louvre, de vouloir conclure le dessin de la colonnade, de la cour, des jardins, la couleur des rideaux, la forme des bateaux qui naviguent sur la Seine. Nous craignons que cette belle image coloriée ne fasse quelque tort au mérite scientifique de l’œuvre de M. Layard. Qu’arrive-t-il, en effet, quand la science veut ainsi condescendre aux faiblesses du public ? Les sceptiques en sourient, et se croient en droit de placer les antiquaires parmi les rêveurs ; les lecteurs plus crédules, au contraire, prennent tout cela au sérieux, et accordent à ces hypothèses une certitude qu’elles n’ont pas dans l’esprit de celui qui les propose. Il faut toujours s’attendre à n’être lu qu’à moitié et à être jugé d’après la table des matières et les planches. Dans un temps où, par suite des fausses prétentions du public à se croire compétent dans les choses scientifiques, les mystifications de toute sorte sont devenues comme à l’ordre du jour, les hommes sérieux doivent se garder de tout ce qui peut y fournir ne fût-ce qu’un prétexte.