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breuses, et, après celles que nous venons de décrire, les plus intéressantes. Chaque chambre d’un palais contient d’ordinaire l’histoire complète d’une campagne, depuis le départ du roi jusqu’à son retour triomphal. Sièges de villes, passages de rivières, guerres dans les marais du cours inférieur du Tigre et de l’Euphrate, moitié à gué, moitié sur des radeaux, rien n’y manque : on voit les longues files de captifs, les tortures qui leur sont infligées, le scribe comptant le nombre des têtes coupées, le roi conduisant son char sur une route couverte de prisonniers étendus à terre, les chœurs de musique et de danse qui célèbrent son retour, l’entrée du roi dans son palais au milieu de piles de têtes entassées. Il est impossible d’imaginer un tableau plus frappant de cette colossale et terrible civilisation, qui semble n’avoir eu pour but que le déploiement de l’orgueil d’un seul homme. Il est remarquable que la religion occupe dans ces représentations assez peu de place : tout y est réel et historique ; on y trouve peu de traces de symbolisme et de mythologie. Le roi est Dieu ; tout se rapporte à lui ; le palais est le véritable et presque le seul temple. Un dieu-poisson, sans doute l’Oannès de Bérose ou le Dagon des Philistins, mérite seul de fixer l’attention. Une foule d’objets égyptiens et phéniciens, retrouvés parmi les décombres, prouvent les relations étendues que Ninive entretenait avec toutes les contrées de l’Orient. Ce qu’il y a peut-être de plus curieux en ce genre, ce sont les sceaux en argile fine, découverts par M. Layard, dans une des salles du palais de Koyounjik, que le savant voyageur a cru pouvoir désigner à cause de cela du nom de Salle des archives. Plusieurs de ces sceaux portent