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climat, une solitude absolue et un ami, M. Hébert, habitué depuis longtemps à venir chercher à Ischia la santé et les inspirations du genre de celles qu’il aime. Ischia est un ancien volcan, l’Épomée, autrefois rival du Vésuve, et qui, il y a cinq cents ans, bouillonnait encore. La variété, l’imprévu des petits paysages formés par les déchirures des flancs de la montagne ne peuvent se décrire. Les constructions, massives, irrégulières, semblent faites exprès pour le plaisir des peintres. Je ne peux expliquer que par une occupation arabe l’usage de la coupole hémisphérique et des habitudes de bâtir qui rappellent tout à fait l’Orient. Rien de changé dans les vieilles mœurs. De tous côtés, les chants de la vendange ; hier, illumination splendide de toute l’île pour la fête de je ne sais pas bien quelle madone. La petite ville de Forio, avec ses églises peintes et ses torri de’ Saraceni, nous a enchantés. J’y ai trouvé un vrai capucin, qui met encore saint François sur le même pied que Jésus-Christ. Hébert lui ayant demandé pourquoi des deux bras stigmatisés qui décorent toutes les églises franciscaines, l’un est vêtu, l’autre nu : « L’un est le bras de Jésus-Christ, l’autre celui de saint François, nous répond-il, perchè erano fratelli. » Il a raison. François d’Assise est l’homme qui a le plus ressemblé à Jésus, et c’est à la grande apparition du xiiie siècle qu’il faut demander des analogies pour expliquer les origines du christianisme. Nous demeurons à mi-côte de la colline de Casamicciola, en face de Gaëte et de Terraccine, dans une maison perdue parmi les vignes, au milieu d’un labyrinthe de terrasses superposées et de petits sentiers, qui n’ont pas l’affreuse banalité des grands chemins. Rien de cet apprêté, si fatigant en Suisse ; pas