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restèrent pas en arrière des manifestations libérales qui nous avaient partout accueillis. Je connaissais Messine par les escales que j’y avais faites en allant en Orient. Déjà, comme disent les Persans, « le corbeau de la séparation croassait au-dessus de nos têtes ». Le jeudi 16 septembre, nous serrions une dernière fois la main de tant d’hommes distingués avec lesquels nous avions contracté de si agréables habitudes de société. À quatre heures, nous étions dans le détroit, au milieu de ces petits tournants, créés par les courants contraires, qui produisirent dans l’antiquité les fables de Charybde et de Scylla. Il n’en faut pas trop rire : Scylla et Charybde ne font plus de victimes ; mais elles sont pourtant assez fortes pour faire dévier sensiblement un grand bateau à vapeur qui les traverse. Nous avions perdu de vue l’Etna, et nous approchions de Stromboli, qui paraissait dans un moment d’assez forte activité. Le lendemain, nous nous réveillâmes entre Capri et le cap de Sorrente. Les plans intérieurs de cette baie merveilleuse se déroulaient successivement. Le Vésuve nous parut plus beau encore que l’Etna ; à l’horizon était Ischia, le terme de notre voyage, le but cherché par nous, comme Ithaque le fut par Ulysse, à travers d’assez forts détours. Dans le port même, sans descendre à terre, nous passâmes à bord du petit bateau qui mène de Naples à Procida et à Ischia. Chiaia, Pausilippe, la Mergellina, Nisida, Pouzzoles, Baïa, le cap Misène, se déroulèrent devant nous en trois heures, dont nous eussions voulu retenir le cours.

Ischia, où je venais chercher un équivalent de Vichy et de Carlsbad, sous un ciel plus beau, est un petit paradis terrestre. Nous y avons trouvé un parfait repos, un doux