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têtes, et comme suspendus aux parapets de tours démesurées, se dessinaient quelques spectateurs mêlés aux arbres suspendus sur l’abîme. Une musique excellente faisait retentir ces longs couloirs de l’hymne royal de Savoie ; mais nous avions peine à ne pas entendre, à travers ces sons harmonieux, les gémissements qui remplirent autrefois ces cavités aujourd’hui si riantes, et particulièrement le désespoir des sept mille Athéniens qui y périrent de faim et de misère après la folle expédition de 413.

Les catacombes et une vieille crypte ornée de peintures ont de l’intérêt pour l’archéologie chrétienne ; le musée, outre une Vénus bien connue, a quelques fragments grecs qu’on dirait provenir du Parthénon ; mais la perle antique de Syracuse, c’est encore l’Anapus. Seul à peu près entre les fleuves de Sicile, l’Anapus a toute l’année un volume d’eau supérieur à celui d’un ruisseau. La beauté plantureuse de la campagne de Syracuse vient des eaux de ce petit fleuve, dérivées de la montagne et amenées par des aqueducs anciens sur les hauteurs des Épipoles. La vallée, malgré toutes ces saignées, conserve encore une masse d’eau assez sérieuse, laquelle, à deux kilomètres environ de la mer, est triplée ou quadruplée par une énorme source, la fontaine Cyanée, qui naît dans la basse vallée d’un gouffre analogue à celui du Loiret, et envoie ses eaux à l’Anapus après un cours d’environ une lieue et demie. Elle est tout ce temps navigable pour de fortes barques. Cette petite navigation, avec ses effets tour à tour gais et mélancoliques, est une des choses les plus ravissantes qui se puissent voir. Peu de choses m’ont fait autant de plaisir. On prend une barque au quai de