Page:Renan - Melanges Histoires et Voyages,Calmann,1878.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

priées à leurs usages au moyen d’additions du style le plus prétentieux assurément, mais le plus réjouissant ? La question des restaurations se pose ici dans toute sa netteté. Faut-il supprimer ces petits joujoux de cuivre et de marbre polychrome, dont les pauvres recluses s’amusèrent ; ces belles grilles dorées qui leur permettaient de satisfaire leur curiosité sans rompre leur clôture, et derrière lesquelles on croit voir se dessiner encore plus d’un joli visage voilé ; cette tribune ou plutôt ce salon Pompadour où elles chantaient aux jours de fête ; ces petits guichets où les mosaïques primitives se mêlent aux enfantillages du rococo le plus effréné ? Pour moi, j’hésiterais à porter la main sur tout cela. Le baroque est expressif à sa manière. L’histoire, qu’est-elle, si ce n’est la plus ironique et la plus incongrue des associations d’idées ? Tout a son prix comme souvenir. Un monument doit être accepté comme le passé nous le lègue ; il faut, autant que possible, l’empêcher de se détruire, voilà tout. On a bien dépassé cette mesure en France ; sous prétexte de ramener les édifices à une prétendue unité d’époque qu’ils n’eurent jamais, on a détruit, réédifié, achevé, complété, et préparé ainsi les malédictions des archéologues de l’avenir, dont la tâche aura été rendue singulièrement difficile par ces indiscrètes retouches. On commet parfois la même faute en Italie. Sous prétexte de ramener les édifices à ce qu’ils furent on est en train de supprimer le xviie et le xviiie siècle. Assurément ce furent des siècles de décadence pour l’art italien. Les méfaits qui s’y commirent sur les édifices du moyen âge ne peuvent être assez déplorés ; mais le mal est fait. Si, en enlevant les bibelots de la Martorana, on pouvait